Les Féminicides en Côte d’Ivoire, une situation alarmante dévoilée au grand jour

updated on 01 November 2024
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 Ce 10 Mercredi 10 Avril 2024, à Abidjan, c’est jour férié et festif. Pourtant, un tableau assombrit cette journée de célébration. En effet, une énième femme perd la vie, assassinée par son conjoint. Cette victime agrandit la liste déjà longue de cette série de meurtres féminins en Côte d’Ivoire. Son conjoint,  un militaire a tué sa femme à Bingerville, près d’Abidjan, avec son revolver de service, avant de se donner la mort. Ce féminicide intervient après un autre cas signalé le 31 mars dernier. Une femme a été égorgée dans la ville de Maféré au sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Son époux, soupçonné d’être l’auteur du meurtre, a été arrêté deux jours plus tard au Ghana, après que les polices ivoiriennes et ghanéennes ont monté une opération commune pour mettre un terme à sa cavale. 

Définition et chiffres dans le monde

Selon Onu Femmes, Le féminicide désigne l'assassinat ou le meurtre d'une femme simplement parce qu'elle est une femme, mais peut aussi faire référence à toute mort donnée à une femme ou une fille. Le féminicide diffère toutefois de l'homicide, car c'est un crime perpétré dans des circonstances spécifiques. En effet, la plupart des cas de féminicide sont commis par des partenaires ou des ex-partenaires et sont le résultat de longs abus commis au sein du foyer, de menaces ou d'agissements intimidants, de violences sexuelles ou de situations où les femmes ont moins de pouvoir ou de ressources que leur conjoint ou ex-conjoint.

Contexte social et légal des féminicides en Côte d’Ivoire :

Dans la pratique, on observe dans les familles que le féminicide survint parfois après plusieurs actes de violences répétés sur la victime. C’est que relate l’émission Focus Faits divers de la chaine NCI, ayant mis en lumière le féminicide ayant eu lieu à Koumassi le 4 avril dernier. En effet, un homme, précédemment accusé de violences conjugales et convoqués à plusieurs reprises à la gendarmerie a tué sa femme avec 12 coups de couteaux.  Selon la famille, la défunte refusait de porter le voile musulman comme l’exigeait son mari. Les causes sont diverses mais s’axent parfois autour de ces aspects :

  • Les stéréotypes de genre dans les familles et les violences des hommes sur les femmes 
  • Les pratiques dites occultes des jeunes arnaqueurs qui ciblent les jeunes filles pour effectuer des « sacrifices humains »
  • La criminalité grandissante et le ciblage des femmes du fait de leur vulnérabilité 

En Droit Ivoirien, l’expression « Féminicide » n’existe pas. Les auteurs sont jugés et condamnés pour meurtre ou assassinat suivant le code pénal ivoirien. En effet l’article 378 du code pénal désigne le meurtre comme l’homicide involontaire et l’assassinat comme « le meurtre commis avec préméditation ; la préméditation consiste dans le dessein formé avant l'action, d'attenter à une personne déterminée ou à celle qui sera trouvée ou rencontrée, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition ; elle consiste également à attendre plus ou moins longtemps, dans un ou divers lieux, une personne, soit pour lui donner la mort, soit pour exercer sur elle des actes de violence ». La loi ivoirienne établit une peine de 10 ans à la prison à vie. 

Toutefois, des obstacles majeurs se dressent dans la lutte contre les féminicides. Premièrement la prise en compte de l’aspect sociologique de ces meurtres et assassinats dirigés contre les femmes. Ensuite, la question du reglement des cas violences à l’amiable, pratique très prisée dans notre société et qui constitue un frein à la justice. Enfin, une éducation déconstruite et saine des hommes, car l’éducation sexiste constitue un moyen de perpétrer la masculinité toxique et les comportements violents envers les femmes.

L’engagement et l’action des organisations féministes Ivoiriennes :

Les organisations militantes pour les Droits des femmes sont à l’œuvre dans la lutte contre les féminicides en Côte d’Ivoire. L’ONG CEPDEFM L'Organisation des Citoyennes pour la Promotion et Défense des Droits des Enfants, Femmes et Minorités (CPDEFM) est une Organisation) a mené une enquête inédite sur les cas de féminicides, viols, pédocriminalité, mariages forcés et excision dans six (6) Communes du District d'Abidjan : Anyama, Abobo, Treichville, Attécoubé, Koumassi et Yopougon (Communes les plus populaires d'Abidjan) en 2020. L’enquête révèle que les féminicides sont par ailleurs une réalité à Abidjan. Cette enquête réalisée auprès des populations abidjanaises révèle que 416 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou partenaire intime au cours de ces deux dernières années. La Commune d’Abobo est la zone où il est enregistré le plus grand nombre de cas (125). Les résultats de l’enquête sont alarmants et nécessitent une attention particulière des acteurs engagés dans la lutte contre les VBG en Côte d’Ivoire.

D’autres organisations féministes telles que Stop au Chat noir, la ligue Ivoirienne des Droits de la femme, Femme en Action, Akwaba mousso et opinion éclairée sont engagées par des actions de plaidoyer auprès des instances étatiques mais également par des sensibilisations dans la sphère publique en adressant la question. 

Recommandations : Lutter effacement contre les féminicides en Côte d’Ivoire

Pour l’organisation pour la réflexion et l’action féministe, aborder le phénomène des féminicides en Côte d’Ivoire est le lieu pour nous de formuler des recommandations d’actions majeures pour lutter efficacement contre le phénomène. Ces points d’actions telles que présentés impliqueront une collaboration multisectorielle et une synergie d’action des acteurs pour arriver à préserver et protéger efficacement la vie des femmes et des filles.

Il s’agira spécifiquement de :

  • Renforcer le plaidoyer pour une implication des autorités pour l’amélioration et la protection des femmes et des filles par une manifestation de volonté politique
  • Lutter contre le phénomène de règlement amiable dans les cas de violences faites aux femmes et aux filles et réprimer pénalement les actes de féminicides 
  • Renforcer et améliorer le système de prise en charge des violences basées sur le genre en Côte d’Ivoire et le soutien (psychosocial, financier et juridique) aux survivantes
  • Appuyer les organisations militantes pour les Droits des femmes disposants de centre d’aide et de prise en charge des femmes victimes de violences basées sur le genre 
  • Renforcer la communication par les autorités policières et des forces de sécurité sur les violences faites aux femmes et aux filles te les peines auxquelles s’exposent les mis en cause
  • Lutter contre le victimblaming dans l’opinion publique qui déresponsabilise l’auteur du crime et incrimine les victimes par des justifications
  • Collecter les données sur les féminicides et les inclure dans les rapports nationaux du Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant

Ferela soro – Responsable Plaidoyer et Communication ORAF

Sources :

https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240414-c%C3%B4te-d-ivoire-une-s%C3%A9rie-de-f%C3%A9minicides-agite-le-d%C3%A9bat-public

https://www.unwomen.org/fr/nouvelles/reportage/2022/11/cinq-faits-essentiels-a-connaitre-sur-le-feminicide

http://www.cpdefm.org/pages/nos-actions/emissions-radios-du-cpdefm/page.html

https://vm.tiktok.com/ZMMCUXKjb/

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